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Les Belles Rencontres continuent sa série de rencontres au sein de sa communauté avec le portrait d’un designer rentré depuis le 1 er février 2023 dans les collections du Mobilier National. Il a présenté sa création à Brigitte Macron et…à nous! On vous raconte.

JULIEN GORRIAS

Interview par Juliette Pourrat

Designer d’objet, de mobilier et d’espace. La création manuelle et le mouvement sont les passions de Julien, guidées par une philosophie : la conception positive. Julien Gorrias a eu plusieurs vies avant le design. D’abord artisan du bois et du cuir en Italie pour la fabrication de masques de commedia dell’ Arte en 2008, c’est le spectacle, la scénographie et la mise en scène qui le mènent quelques années plus tard sur un terrain expérimental et totalement innovant : celui de la robotique humanoïde. Par la suite, il intègre l’Ensci-Les ateliers. Remarqué par Alberto Alessi, il participe au salon Maison & Objets de 2018 et WantedDesign à New York. Aujourd’hui, il intègre les collections du Mobilier National et accompagne, avec le studio Carbone14 qu’il a fondé, des institutions et des entreprises dans leurs transition par la conception positive pour réduire leur impact environnemental.

JULIETTE

Bonjour Julien, peux-tu te présenter ?

JULIEN

Salut, j’ai 37 ans, 3 enfants et je suis designer produits et services au sein de mon agence, Carbone 14 studio, depuis 2020. J’ai un parcours assez atypique car j’ai commencé dans le théâtre et la mise en scène. J’ai fait un premier virage quand j’ai commencé à faire de l’animation et du design pour le robot Nao chez Aldébaran Robotics. Et c’est là que j’ai eu le déclic et le courage de reprendre mes études de design industriel à l’ENSCI-Les Ateliers. J’ai fondé mon studio Carbone 14 dès que j’ai reçu mon diplôme, en plein confinement ! Mais au-delà de mon parcours, ce qui me caractérise vraiment, c’est mon goût pour les objets, de la façon dont ils ont été conçus, à leur fabrication manuelle ou industrielle, et leur usure. J’adore voir le temps qui passe au travers de l’usure d’une tasse, d’une poignée de porte ou d’une marche d’escalier. Et c’est ce que j’ai cherché à valoriser au sein de mon studio. On conçoit des articles faits pour durer. Pour prendre de la valeur au fil des années. Il y a toujours un travail autour de la naissance et de la mort de mes objets. Si on prend la chaise qui cache la forêt, elle est conçue en bois brut, français et local, mais surtout, sans colles ni solvants néfastes pour l’environnement. Et elle détient des graines dans ses pieds. Comme ça, lorsqu’elle est cassée, on peut la laisser dans les bois. La chaise se dégrade entièrement sans impact négatif sur l’environnement. Et en plus, elle replante des arbres !

JULIETTE

Tu rentres dans les acquisitions du mobilier national ?

JULIEN

Oui, c’est un immense honneur. C’est extrêmement gratifiant et cela me renforce dans mes convictions ambitieuses liées à la conception positive - c’est ainsi que j’ai nommé le fait de créer des objets qui prennent de la valeur avec le temps à l’opposé de l’obsolescence programmée ou de la mode. C’est ambitieux de la part du Mobilier National de partager la vision d’un nouveau mode de conception plus durable. Et je suis super fier d’être aux côtés d’autres designers, grands ou récents, comme le studio Brichet-Ziegler qui sont des grandes sources d’inspiration pour moi !

JULIETTE

J’adore ta table Torii, raconte moi ?

JULIEN

Torii, c’est la table basse qui entre au Mobilier National. Elle est inspirée d’une estampe du XIXe siècle du peintre japonais Kawase Hasui. Je suis fasciné par le Japon et son artisanat. J’ai voulu créer un meuble en hommage à cette estampe. Je l’ai dessinée avec 3 plateaux de différentes tailles et hauteurs, portés par 6 pieds. De face, on voit un Torii comme dans le tableau. Les pieds sont couverts de 12 couches de peinture inspirées du tableau : bleu, puis blanc, et enfin, la paetie visible, rouge. Au fil du temps, de la vie et des chocs, la peinture va s’user et révéler les couleurs des sous-couches, le blanc de la neige, puis le bleu de l’ocean. Cette usure, prévue dans la conception, rend la table unique et lui apporte, à mesure du temps qui passe, sa valeur singulière. La table se personnalise au fil du temps. On a presque hâte de la cogner pour qu’elle se révèle pleinement.

JULIETTE

Quels sont tes projets pour la suite ?

JULIEN

Je continue mon travail sur le temps de vie des objets et leur usure. Je travaille en ce moment sur un tabouret et une desserte pour compléter la gamme Torri, mais aussi sur un canapé et une lampe en métal. J’aimerai aussi trouver des éditeurs de mobiliers audacieux pour mes projets mais aussi des éditeurs de livres pour les livres sur la méthode design que j’ai développé. Et en parallèle de la création de mes propres pièces, je travaille pour des clients très variés. J’ai, par exemple, un projet encore secret, sur lequel je travaille depuis 4 ans, avec l’hôpital Saint-Anne, autour du son. Je collabore aussi avec une marque de montres de luxe, avec des enseignes de prêt à porter pour la conception de leurs vitrines, stands et pop up ou encore, pour un domaine viticole pour concevoir le parcours client de la visite du domaine et la maquette du lieu.

JULIETTE

Quel est ta vision du design ?

JULIETTE

Pour moi, le design doit s’inscrire dans le temps, et être en phase avec les enjeux de notre planète. Acheter des meubles fabriqués avec du bois d’Europe de l’Est et des solvants issus du pétrole, transportés et assemblés en Asie, puis livrés en France, et tout ça, à moindre coût, me paraît obsolète ! En même temps, je comprends les enjeux financiers des consommateurs. Le design doit s’adapter à ces nouveaux enjeux. C’est pour cela que notre enjeux écologique doit passer par la créations de valeurs et non pas la démagogie, c’est ça aussi le design.

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